L’innovation sur le marché de la santé : quelle(s) stratégie(s) d’entrée sur ce marché régulé pour un nouvel acteur ?

Pour ce premier billet de l’année 2016, je souhaitais partager avec vous ce que j’ai retenu de la lecture d’un article académique de Thomas Houy[1], intitulé « L’innovation stratégique sur un marché régulé, le cas des technologies pour la santé »[2] et publié en 2014 dans la Revue Française de Gestion.

Il y présente trois différentes stratégies pouvant être mises en œuvre par les entreprises privées dans le cadre de la conception et le déploiement de solutions technologiques innovantes sur le marché français de la santé.

1.La première est la stratégie de pénétration par paliers : il s’agit de faire la preuve de l’intérêt d’une innovation sur un marché périphérique c’est-à-dire en s’écartant initialement du segment de marché visé. Une fois la légitimité de l’innovation démontrée, il est possible de revenir sur son marché cible avec cette même innovation.

L’exemple le plus parlant est le cas de la Wii Fit : une approche ludique par la console de jeux qui une fois adoptée par les enfants transpose son concept sur le segment du « bien-vivre » pour ainsi adresser d’autres membres du cercle familial, les mamans par exemple (terme plus politiquement correct que la célèbre ménagère de moins de 50 ans…).

J’ai mis à contribution mes « talents » en matière de dessin (j’accepte volontiers la critique !) pour résumer ci-dessous les écrits de Thomas Houy.

Intégration par paliers

2. Deuxième stratégie, celle de l’accompagnement d’un processus isolé et indépendant. Vous ne voyez absolument pas de quoi il s’agit, c’est normal ! Une explication s’impose : imaginons le cas de Madame Hortense[3]. Madame Hortense, 81 ans, va en théorie

  • se peser tous les jours = processus isolé 1
  • prendre son/ses médicaments tous les jours pendant son repas du soir = processus isolé 2
  • alerter sa famille si elle ne se sent pas bien = processus isolé 3.

Après analyse détaillée des processus « humains » existants sur le segment de « marché » ciblé : il s’agit d’identifier les moins protégés par la régulation et donc qui laissent une marge de manœuvre en terme d’innovation plus large pour proposer un dispositif technologique afin d’automatiser et de faciliter la réalisation de ces processus isolés et indépendants. L’objectif est ainsi de faire tomber certaines barrières à l’entrée du marché.  

3. La troisième et dernière stratégie exposée par Thomas Houy est : la stratégie d’intégration de services existants par la mise en place de partenariats

Appliquée au marché de la santé, elle consiste à mettre à disposition des patients un bouquet de services existants par le moyen d’interfaces adaptées et faciles d’usage car embarquées sur un dispositif utilisé quotidiennement par un patient (par exemple service de visio-conférence simplifiée sur la télévision). Pour plus facilement entrer sur le segment de la santé, le bouquet de services dématérialisés peut être axé sur la prévention, le bien-être ou l’insertion sociale. 

Ici, l’innovation est de rang 2 : il s’agit de surinnovation par l’association d’innovations déjà présentes sur le marché. Elle permet de contourner une grande partie des barrières à l’entrée sur le marché, ce travail ayant déjà été fait par les partenaires.

Les variables clés des partenariats à maîtriser lors de l’intégration de ces partenaires sont :

  • l’accès aux compétences et au savoir-faire,
  • la mutualisation des risques et des coûts,
  • la possibilité de bénéficier d’économies d’échelle,
  • l’acquisition d’une forme de légitimé par la notoriété de son partenaire,
  • le coût de la coordination,
  • le degré de complémentarité entre acteurs,
  • et enfin, la capacité d’absorption éventuelle du partenaire.

Karine Hare-Conan


Sources

[1] http://www.telecom-paristech.fr/recherche/les-enseignants-chercheurs-de-telecom-paristech/houy.html

[2]Houy T., “L’innovation stratégique sur un marché régulé, le cas des technologies pour la santé”, Revue Française de Gestion, 243, 2014, pp 13-31.

[3] La personne qui connaît bien Madame Hortense se reconnaîtra

Crowfunding 2 – la suite !

 

C’est avec grand plaisir que je reprends l’écriture sur mon blog. Mes projets sont toujours en cours mais cela me manquait de ne pas l’alimenter.

Aujourd’hui, je vous propose de revenir sur un sujet que j’ai évoqué en 2014, le crowdfunding.

Pour commencer et puisque les données globales 2014 sont désormais disponibles, voici une mise à jour des chiffres fournis précédemment :

  • 3 milliards d’euros ont été récoltés en 2014 en Europe par les sites de Crowdfunding, soit une hausse de +144% par rapport à 2013.
  • La France se classe 2ème sur le marché européen, les montants ont doublé sur 2014 et s’élèvent à 154 M€ (pour rappel, en juillet dernier, je vous indiquais le chiffre de 66 M€ sur le premier semestre).

Selon une étude menée par le cabinet Ernst & Young et l’université de Cambridge (sur un échantillon de 14 associations du secteur et 255 plates-formes en Europe), il apparaît que le financement participatif est principalement soutenu par les plateformes anglaises (79% de la collecte totale). La raison principale de cet écart est une réglementation plus favorable au Royaume-Uni que dans le reste de l’Europe. Un nouveau régime est entré en vigueur le 1er avril 2014, la réforme française n’est entrée en vigueur que sur le dernier trimestre 2015 et n’a donc peut-être pas encore produit ses effets.

Autre point à noter, alors qu’à l’origine le crowdfunding consistait principalement à financer des projets artistiques, ce mode de financement est de plus en plus utilisé par les entreprises. Les PME auraient ainsi levé 201 M€ (+72% versus 2013). Elles seraient au total plus de 5 800 à avoir utilisé le crowdfunding sur 2014. Sur ce point, le Royaume-Uni reste également en tête du classement.

La tendance du crowdfunding à se positionner comme une alternative au financement traditionnel se confirme. Toujours selon la même étude E&Y et de l’université de Cambridge, si le rythme de croissance se maintient, la collecte via les plateformes en ligne pourrait atteindre les 7 milliards d’euros en Europe en 2015.

To be continued…

La transdisciplinarité, un concept encore d’actualité ?

Mon premier sujet d’article m’a paru évident. Il est en cohérence avec l’illustration que j’ai choisie comme en-tête au blog : la transdisciplinarité.

Ce mot difficilement prononçable, peut intuitivement parler à tous : le préfixe « trans » (en latin « de l’autre côté ») permet de comprendre que ce concept désigne ce qui est à la fois « entre » les disciplines et      « au-delà » de toute discipline.
Cependant lorsqu’il s’agit de définir le sujet dans le détail et de l’illustrer, l’exercice s’avère plus difficile. En tout cas, c’est la difficulté à laquelle j’ai été confrontée.
Au fur et à mesure de mes lectures, je me suis rendue compte de la complexité et de la pluralité des thématiques que recouvre ce concept. Je vais essayer de vous apporter quelques éléments d’éclairage sur cette thématique.

  • L’origine du mot “transdisciplinarité »

Le mot transdisciplinarité est apparu au début des années 70 notamment, dans les travaux de Jean Piaget. Jean Piaget                (1896-1980) fut un psychologue, biologiste, logicien et épistémologue suisse. Il est connu pour ses travaux en psychologie du développement et en épistémologie (domaine de la philosophie des sciences qui étudie les sciences particulières, soit la théorie de la connaissance en général) à travers ce qu’il a appelé l’épistémologie génétique.
Ce terme fut inventé pour traduire la nécessité de transgression des frontières entre les disciplines, et de dépassement de l’inter et de la pluridisciplinarité. La transdisciplinarité ne doit donc pas être confondue avec l’inter et la pluridisciplinarité. La transdisciplinarité est complémentaire à la disciplinarité, l’interdisciplinarité, la pluridisciplinarité. Ensemble, elles forment un tout : la connaissance et son partage.

  • Le concept

Ce concept a été utilisé dans le domaine de l’enseignement. Selon Brigitte Le Saget, la transdisciplinarité peut, “à travers les différentes disciplines, aider l’élève à identifier les opérations mentales à effectuer, les procédures à appliquer, les outils à utiliser pour résoudre une classe de problèmes. Elle peut, au-delà du découpage disciplinaire, aider l’élève à comprendre la contribution des disciplines aux finalités de l’école”.

Puisque nous somme en pleine Coupe du Monde de football, prenons l’exemple du sport collectif. Il est soumis à des règles, il n’est pas possible de jouer sans les respecter. Parallèlement, lors de l’interprétation d’un texte littéraire, l’élève doit respecter l’opinion et le temps de parole de ses camarades. Le point commun entre ces deux disciplines est un ensemble de règles plus ou moins contraignantes qui font partie intégrante des conventions sociales.
Il apparaît que l’objectif principal de la transdisciplinarité est de permettre à l’homme de comprendre la complexité du monde moderne et d’acquérir les outils pour s’y adapter.
En 1997, Basarab Nicolescu a organisé en collaboration avec l’Unesco un congrès sur « l’évolution Transdisciplinaire de l’Université ». Les objectifs étaient de « créer une plus grande flexibilité chez les étudiants, sachant qu’en lien avec la montée du chômage, les jeunes [devraient] se préparer à changer plusieurs fois de métier au cours de leur vie professionnelle. Pour leur inculquer une plus grande flexibilité, il [faudrait] que les jeunes apprennent à créer des liens entre les disciplines. Il faut qu’ils s’initient à utiliser les différents types d’intelligence que nous avons tous, non seulement l’intelligence de la tête, mais aussi celle des émotions et celle du corps ».

  • Un concept applicable à notre monde actuel ?

A partir de ces éléments, nous pouvons comprendre dans quelle mesure la mise en commun de nos savoirs dans tous les domaines permet d’être plus performants dans notre vie quotidienne.
La transdisciplinarité me semble être liée au travail collaboratif. Sans échange ni apprentissage commun, chacun construit son identité professionnelle sans prendre en compte les compétences et le rôle des autres.
J’approche un sujet qui s’applique au monde professionnel et qui connaît un nouvel essor avec l’introduction du numérique (campus numériques, universités virtuelles…). Sujet qui pourrait faire à lui seul l’objet d’un article ne serait-ce qu’en raison des débats et des polémiques qu’il suscite encore actuellement.
Et vous, qu’en pensez-vous ?

Pour aller un peu plus loin :
Concernant la transdisciplinarité
Basarab Nicolescu « La transdisciplinarité – Manifeste »
Brigitte Le Saget “Pour une interdisciplinarité français-EPS”
http://www.fondationjeanpiaget.ch/fjp/site/bienvenue/index.php
http://ciret-transdisciplinarity.org/chart.php

En complément, quelques éléments concernant le travail collaboratif :
http://jean.heutte.free.fr/spip.php?article194
http://www.slate.fr/story/89417/travail-gratuit-creation

http://webtv.sfrbusinessteam.fr/1ere-partie-les-pme-et-le-numerique-definition-du-collaboratif