“Penser la guerre économique” par Olivier de Maison Rouge 

« La guerre économique peut se définir par la mobilisation de l’ensemble des moyens économiques d’un Etat à l’encontre d’autres Etats pour accroître sa puissance ou le niveau de vie de ses habitants »

                                                                                                         Pascal Boniface

Olivier de Maison Rouge (1) nous propose un ouvrage réunissant des pensées, extraits et maximes en lien avec la guerre économique. Le public visé est évidemment les professionnels de l’intelligence économique mais également ceux qui souhaitent en savoir plus sur cette discipline parfois méconnue mais ô combien nécessaire pour décrypter les enjeux actuels de l’économie mondiale.

Dans son introduction, Olivier de Maison Rouge rappelle un ensemble de faits qui marquent l’histoire de la guerre économique. Je vous propose d’en découvrir trois.

  • Du « soft law » au « hard law », l’extraterritorialité du droit américain ou le droit comme prolongement de la guerre économique par d’autres moyens

« Il est évident que la mondialisation économique, mais aussi sociale et intellectuelle, formate le droit, non seulement le droit international mais aussi les droits internes. […] L’arme du droit est déployée dans la guerre d’information que les différentes places se livrent pour s’imposer comme le lieu ou la référence incontournables pour faire des affaires »

                                                                                                         Bertrand du Marais

Le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) est une loi fédérale adoptée en 1977 dans le cadre de la lutte contre la corruption dans le milieu des affaires. Elle peut être activée par le Department of Justice, le FBI, la NSA ou la SEC (3). Cette loi peut concerner un acteur économique même en dehors des frontières des Etats-Unis à partir du moment où un lien de rattachement avec l’état fédéral est établi. Multiples sont les multinationales étrangères qui en ont fait les frais : BNP Paribas qui s’est retrouvé devant l’obligation de s’acquitter d’une amende record de 8 Md€, Crédit Agricole pour des opérations libellées en USD (avec l’Iran, le Soudan, le Myanmar et Cuba) entre 2003 et 2008, Peugeot qui a dû cesser toute activité en Iran…

  • Les ONG (4) américaines et britanniques, des outils d’influence redoutables ?

« Il faut être bien naïf ou aveugle pour ne pas voir que les ONG américaines ou britanniques sont une part du soft power américain ou anglais… Et qu’elles sont souvent hostiles, de facto, sous divers prétextes, à l’influence, à la politique ou à la langue française. »

                                                                                                         Hubert Védrine

Olivier de Maison Rouge pose le questionnement suivant : « […] tous les acteurs sur ce terrain sont-ils aussi angéliques ou philanthropiques qu’ils le prétendent ? ». Près de 30% des ONG sont basées sur le continent nord-américain et 20% d’entres elles captent 90% des ressources de financement (5). L’auteur estime que les ONG usent de leur influence sous diverses formes : lors de la COP21, la filière nucléaire a été ciblée et ce sont indirectement les acteurs français qui en ont fait les frais (EDF, ENGIE, AREVA…).

  • La politique américaine d’endiguement et d’influence normative

« Leur capacité de mettre en cause les acteurs politiques ou économiques, mais aussi d’imposer des normes et de faire l’agenda du débat public leur confère un pouvoir inédit. A ces stratégies s’ajoutent d’autres, politiques ou économiques, qui cherchent à infléchir les décisions publiques et à diriger l’opinion au service d’intérêts matériels ou idéologiques. Lobbies, think tanks, groupe de pression jouent aussi un rôle croissant. »

                                                                                                         François-Bernard Huyghe

Les traités commerciaux signés en marge de l’OMC, et favorisés par les Etats-Unis, symbolisent l’effacement du droit romano germanique au profit du common law anglo-saxon. [Ndlr : Alors que les négociations sur le TAFTA (6) ont été abandonnées, l’UE a signé le 24 août 2020 un nouvel accord tarifaire avec les Etats-Unis.  L’accord est intervenu alors que les tensions commerciales entre les Etats-Unis et l’Union européenne s’étaient intensifiées (notamment au sujet des subventions aux avions et des taxes sur les services numériques).]

Dans le reste de cette introduction, Olivier de Maison Rouge propose son point de vue sur trois autres sujets que je vous laisse découvrir : le sujet du dumping fiscal et social, le cyberespace comme nouveau lieu de compétition économique et la lutte pour l’indépendance numérique.

En espérant vous avoir donné l’envie de le parcourir !

Karine Hare-Conan


(1) BONIFACE P., Les Guerres de demain, Seuil, 2001

(2) Avocat. Docteur en Droit. Diplômé de Sciences Politiques. Professeur associé à l’Ecole des relations internationales (ILERI) et à l’Ecole de Guerre Economique (EGE), intervenant à l’IHEDN et à l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM).

(3) Securities and Exchange Commission

(4) Organisations Non Gouvernementales

(5) RYFMAN P., Les ONG, 2009

(6) Traité de libre-échange transatlantique ou Transatlantic Free Trade Agreement

De Francfort à Londres, les guerres financières du Brexit

“Instruments de puissance géopolitique, les places financières européennes sont au cœur d’une guerre économique entre États pour revendiquer un leadership international. Première place financière en Europe, la City compte de nombreux concurrents, au premier rang desquels les bourses de Francfort et Paris. Le vote du Brexit en 2016 a redistribué les cartes : il constitue l’occasion pour Francfort d’asseoir sa domination après des années de rivalités avec la City cependant il représente aussi une réelle opportunité pour d’autres parties intéressées, comme la France, de se faire une place sur l’échiquier.

Notre rapport (*)a été conçu selon une grille de lecture des stratégies d’influence, d’attaques informationnelles et parfois de provocations de la part des différents protagonistes.

Dans un premier temps, nous avons commencé nos travaux par un cadrage historique : les rivalités historiques entre les places financières de La City et de Francfort pour assurer leur souveraineté financière et profiter du mouvement de « globalisation financière » pour asseoir leur domination sur le monde de la finance.

Nous avons ensuite étudié un premier champ de bataille : les rapports de force entre Londres et l’Union Européenne dans le cadre du Brexit.

Nous avons analysé l’émergence des ambitions d’un acteur, qui tenait plutôt jusque-là un « second rôle » sur l’échiquier : la place financière de Paris.

Aujourd’hui, alors que la large victoire des conservateurs aux législatives de décembre dernier donne les pleins pouvoirs à Boris Johnson pour finaliser rapidement la sortie du Royaume-Uni avec le risque d’un « hard Brexit », nous avons voulu déterminer les facteurs qui pourraient permettre à la France de réaliser ses ambitions mais aussi les risques qui l’empêcheraient d’atteindre ces objectifs. Trois critères ont été retenus : la compétitivité, la capacité d’innovation et l’éducation.”


(*) Retrouvez mon étude co-écrite avec Emilie Barbeau, Guillaume Gascoin, Alexandre Merancienne et Tomislav Pautard et publiée sur le site infoguerre le 16 janvier 2020.

https://infoguerre.fr/wp-content/uploads/2020/01/Guerres-financi%C3%A8res-et-Brexit.pdf